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Marche

L’inspiration première vient de l'attention portée à notre environnement physique, bâti et naturel, aux variations incessantes d'ambiances, aux effets du temps, usures, corrosions qui altèrent, modifient la matière. Le spectacle de ces transformations constitue pour moi une poésie visuelle. Je me sens « appelé » par cet environnement sensoriel qui se donne en spectacle et me propose textures, nuances, compositions, traces, oppositions, harmonies. Je m’extasie devant un trait, un totem, un lichen qui s’étoile sur un rocher, un effet de transparence dans les nuages, des reflets dans l’eau. Le rapport puissant et spirituel que peuvent entretenir traces et textures me fascine. Mais si mon travail prend son ancrage dans la matière, il s'ouvre à une exploration picturale propre où les codes se complexifient et se libèrent.

 

L’abstrait est pour moi une formulation personnelle et libre, en provenance du tréfond de soi, là où les impressions, les sensations, les émotions, les interprétations, les croyances, les héritages, les rêves se côtoient, façonnent l’édifice de notre inconscient. L’œuvre est donc le résultat d’un processus interne, une « distillation » dont l’origine suggestive est difficilement cernable, processus où interviennent ensuite notre sens critique, nos influences, notre rationalité, nos doutes, notre égo, notre ancrage social et temporel. Je trouve ce processus à la fois vertigineux, fascinant, complexe et difficilement explicable. La pratique est dichotomique, tout en étant acteur, je suis aussi spectateur de ce qui se passe, acceptant forcément de ne pas pouvoir tout maîtriser.

 

En fin de compte, dans ce qui paraît gratuit, aléatoire, fortuit, il y a quelque chose d’insaisissable, de difficilement explicable : des couleurs se répondent, s’appellent, des compositions s’équilibrent, deviennent tout à coup puissantes, évocatrices, sensitives, vibrantes. Il semble qu’il y ait des « lois de la nature » là-dedans. L’artiste explore et joue, se joue de ces règles mystérieuses, provoquant harmonie ou dissonance, force ou douceur, agitation ou calme. L’abstrait se veut aller à l’essence même de tout ça, au-delà des contenus, au-delà des messages explicites, il va au cœur de l’inconscient visuel et sensoriel.

 

De manière obsessionnelle, je cherche à comprendre, reproduire, décliner. En constante exploration, je vais appliquer des enduits (de composition personnelle, créés pour obtenir plus ou moins de viscosité, de transparence, de texture, etc.) , cherchant à faire dialoguer les couches, à les faire réagir entre elles ; parfois, je vais gratter, frotter, tracer et chercher la patine, l’irrégularité harmonieuse ; à d’autres moment je vais chercher à appliquer délicatement de fines couches, cherchant le translucide, l’estompe légère, un peu comme un fin manteau de neige sur un paysage, produisant une lecture diaphane. Je crois que je tente à comprendre, explorer la « spiritualité de la matière », avec cet aller-retour entre mon dedans (l’échafaudage de ma personnalité ou mon âme) et mon dehors (le monde de la perception).

 

J’explore également la symbolique des couleurs, la charge émotionnelle et culturelle de ces espaces définis à la fois par la texture et la tonalité. Le bleu est le symbole de l’idée, du libre de ce qui nous dépasse et nous rassemble, il est aussi l’origine du vivant, gardien du mystère ; le beige est le territoire de la culture, de l’activisme des hommes, de la trace, de l’histoire. Le blanc est le spirituel et le pure, celui qui fait le lien, etc.

 

C’est dans un rapport minimal et juste que j’essaie de créer la tension entre les protagonistes (espaces matières, espaces couleurs), et cette tension génère une vibration communicative.

 

Je crois que mon travail s’articule autour de la question du temps, des transformations, des changements d’états, du regard à porter sur toutes choses, mais aussi des rapports humains, du rapport de l’homme avec son environnement et de la place du spirituel. Il est aussi question de la légitimité du geste, de l’empreinte, chargée de « méta données » est inscrite dans le continuum temps. L’œuvre pictural peut être vue comme fragment de récit, dialoguant dans l’intime, dans un espace-temps différencié avec l’observateur.

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Contemplatif par nature, c’est dans cette contemplation que je me retrouve et que je me connecte, que je vibre à l’unisson avec mon environnement. Il y a pour moi un mystère qui se comprend uniquement de manière sensorielle, déraisonnée, connectée. Mes peintures peuvent se voir comme des instantanés d’états méditatifs, jamais parfaits, reflets d’une vérité indicible, insaisissable mais que je cherche toutefois à cerner.

 

Je prends de plus en plus conscience de la relation que j’entretiens avec le tableau au moment de créer, de ce qui se joue, du vortex qui me lie à l’œuvre en gestation. Dans cet acting, je fais l’expérience d’un espace-temps autre, une sorte de rapport cosmique, qui se referme quand le tableau est terminé, comme on refermerait un chapitre.

 

Avec cette approche sensible de la « matière peinture » appliquée à la toile (notamment rendu par le traitement en couches successives, plus ou moins translucides), le regard du spectateur peut voyager, glisser à la surface, ou se laisser attirer vers l’intériorité du tableau. Spiritualité ? Songe, rêverie, à mi-chemin entre conscient et inconscient. Symbolisme. Evocation multiple, récit de soi, intention prétexte. « Ainsi altérées, les brumeuses mémoires de l’esprit et de la matière se manifestent en de contemplatifs mirages (…) » La liberté, jeudi 3 novembre 2022. Maxime Papaux

 

En évoluant, je cherche à réduire de plus en plus le propos, recherchant à réunir le silence et la présence, dans une forme d’évidence et de dépouillement. Je n’exclus cependant rien, je ne fais jamais l’économie d’une expérience qui m’appelle, je me laisse guider et j’attends de voir et peut-être de comprendre cette errance artistique qui tente à me révéler.

 

Mes techniques sont variées et personnelles (j’utilise très peu de peinture par exemple, et chaque aplat est une composition unique), je travaille sur toile, châssis de bois, papier, je réalise également des œuvres en trois dimensions, chacune de ces pratiques nourrissant les autres. Les possibles sont sensiblement différents en fonction des techniques et des supports utilisés, j’aime observer où cela me mène à chaque fois et comprendre quels en sont les dénominateurs communs.

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